Voilà un écrivain français perdu pour les femmes qui n’a pas sa place dans l’encyclopédie universelle de la pensée autorisée qu’est Wikipedia. Bouvelet, étoile filante littéraire qui côtoyât Cocteau (ami et concurrent de l’époque), est un artiste qui éclaira le début du XXème siècle pour tomber dans les limbes dès les premiers massacres de la Grande Guerre.
Collaborateur éphémère de la revue française Akademos, voici le poème qu’il y publia, accompagné de quelques clichés de Dmitry Averyanov, modèle venant de l’autre côté du Nouveau Rideau de Fer qui aurait très bien pu illustrer le premier recueil de Bouvelet, L’Appel au Soleil.
Les Bâtards
Avant que tes regards ne m’eussent reconnu
Je me suis détaché d’un fond de paysage,
Et sur ton clair destin je me suis abattu
Avec la force élémentaire d’un orage ;
Les fruits neufs de la gorge et de ton ventre nus,
Le collier de tes bras, l’émail de ton visage,
Je les ai prélevés comme un humble tribut
Qu’on ne refuse point au seigneur de passage.
Je ne reviendrai plus. Mais aux temps à venir,
Quand de tes flancs obscurs qu’honora mon plaisir
Un homme aura des fils qui joueront dans les seigles,
Tu ne comprendras pas, au bras fort de l’époux,
Comment tous ces petits qui seront nés de vous
Auront de tels orgueils dans leurs prunelles d’aigle !