dimanche 6 décembre 2020

Ce temps béni où les pubis étaient intacts

 













Regards d'équidés

 




Tristan - Auguste von Platen

Admiré par Thomas Mann, cet aristocrate du XIXème siècle est le premier poète allemand à revendiquer son homophilie. Il aura des passions pour plusieurs hommes illustres de son époque : le chimiste Justus Liebig, le sculpteur danois Bertel Thorvaldsen (créateur du magnifique Jason à la Toison d’or), ainsi que le poète italien Giacomo Leopardi.

Parlant une dizaine de langues, August von Platen préférait écrire en français ou en portugais dans ses carnets intimes afin de s’épancher librement sur son amour pour les hommes. Amoureux de l’Italie – et certainement des Italiens –, il fera plusieurs séjours dans la péninsule et explorera les principales villes du pays, avant de s’y installer définitivement pour vivre en coupe avec Leopardi.

 

Voici, en version originale allemande et traduit en français, l’un de ses plus beaux poèmes, Tristan :

 


Wer die Schönheit angeschaut mit Augen,

Ist dem Tode schon anheimgegeben,

Wird für keinen Dienst auf Erden taugen,

Und doch wird er vor dem Tode beben,

Wer die Schönheit angeschaut mit Augen!

 


Quiconque a de ses yeux contemplé la beauté

est déjà livré à la mort,

n'est plus bon à servir sur terre,

et cependant il frémira devant la mort,

quiconque a de ses yeux contemplé la beauté !

 


Ewig währt für ihn der Schmerz der Liebe,

Denn ein Tor nur kann auf Erden hoffen,

Zu genügen einem solchen Triebe:

Wen der Pfeil des Schönen je getroffen,

Ewig währt für ihn der Schmerz der Liebe!



À jamais durera pour lui le mal d'aimer,

car seul un insensé peut espérer sur terre

ressentir un tel amour et le satisfaire.

Celui que transperça la flèche de beauté,

à jamais durera pour lui le mal d'aimer !

 


Ach, er möchte wie ein Quell versiechen,

Jedem Hauch der Luft ein Gift entsaugen,

Und den Tod aus jeder Blume riechen:

Wer die Schönheit angeschaut mit Augen,

Ach, er möchte wie ein Quell versichen!



Hélas, que ne peut-il tarir comme une source,

humer dans chaque souffle aérien un poison,

respirer la mort dans chaque pétale de fleur !

Quiconque a de ses yeux contemplé la beauté,

hélas, que ne peut-il tarir comme une source !

 

 

Tristan est interprété par le modèle de Tony Patrioli représentant la région italienne des Marches de son recueil de photographies Giro d’Italia.

 

Le comte Karl-Auguste von Platen-Hallermünde (1796-1835)


 
Giocomo Leopardi (1798-1837), l’amour de sa vie


 
Bertel Thorvaldsen (1770-1844)


 
Jason à la Toison d’or, sculpture de Thorvaldsen

dimanche 13 septembre 2020

"Contemplo o lago mudo", Pessoa & Hofmann

 

Muette et ridée par la brise.

Je ne sais si le pense au monde,

Si c’est le monde qui m’oublie.

 


Le lac ne me dit rien.

Je ne sens pas sa brise.

Suis-je heureux ? Je l’ignore.

Est-ce que je le désire ?


 

Rides rieuses et frêles

Sur cette eau tout endormie.

Pourquoi ai-je fait des rêves

Ma seule et unique vie ?




 

 

La ronde des héroïnes du mal

 Joyeuse farandole de figurants.

 














 

"Les héroïnes du mal"

France, 1979, drame érotique réalisé par Walerian Borowczyk

Les photos sont issues du premier volet du film, nommé "Margherita".

 

Yannis Tsarouchis et l’arrestation

Un grand merci aux deux blogueurs Gay Ekfansi et Men Portraits pour m’avoir fait découvrir le peintre grec Yannis Tsarouchis (Γιάννης Τσαρούχης). Prolifique en nu masculin, il a jeté son dévolu sur les marins, les soldats, les nageurs et les hommes ailés.

Je m’arrête aujourd’hui sur un épisode -peut-être personnel- de l’arrestation. Le premier tableau date de 1944 et montre un couple d’hommes arrêtés, nus. Des opposants alpagués au petit matin, des amants surpris en plein ébat … il faudra attendre 1975 pour admirer un deuxième tableau, au commissariat, où les deux amants passent à l’interrogatoire d’une façon très alléchante.

 

Trente années séparent les deux tableaux. Le premier a été exécuté en Grèce, le deuxième en France. Le style a changé. Mais le charme opère toujours, une réelle force narrative transparaît des toiles et fait échos aux nombreuses vexations et persécutions qu’on put connaître les homophiles dans leur intimité.

 

https://gayekfansi.blogspot.com

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