mardi 27 avril 2021

Vojtech Černý, un pionnier tchèque

Né au printemps de 1893 dans le petit village tchèque de Velké Zboží, Vojtěch Černý est d’abord un petit escroc sans envergure. On le retrouve au début des années 1910 dans la majestueuse capitale de l’Empire, riches en alcôves pour amours nocturnes dérobés. C’est donc de Vienne qu’il s’enrôlera dans l’armée austro-hongroise au déclenchement de la Première guerre mondiale. Fait prisonnier par les troupes russes, en 1916, Černý est versé dans les légions tchécoslovaques de Russie. 

Revenu dans la toute jeune Tchécoslovaquie indépendante, Černý se marie en 1923, une expérience qui ne durera que 3 mois, bien que le couple séparé ne divorcera pas. Un quotidien qui lui fut sans doute insupportable après ces quelques années au sein de corps armés remplis de jeunes hommes…

 

Vojtěch Černý sort de l’ombre le 15 avril 1928 : un délateur anonyme l’accuse d’avoir fait des avances sexuelles à un collègue masculin. Verdict : deux mois de prison avec sursis et deux années de mise à l’épreuve, ainsi que la perte de son grade de sergent d’état-major (et de sa pension militaire, continuant ainsi son infortune). Approchant les milieux de l’édition à Prague au cours de l’année 1929 alors que sa peine fait l’objet de tractation juridique, il sera contraint d’effectuer une peine de prison, perdant ainsi la confiance de son nouvel employeur, l’Illustrovaný zpravodaj. Sans emploi, vivant au crochet de son frère, František Černý, il se décide en 1931 à se lancer dans un projet d’édition personnel : la revue Hlas sexuální menšiny (La voix des minorités sexuelles), ayant pour but de faire abolir les lois tchécoslovaques criminalisant les pratiques homosexuelles. Seule une dizaine de numéros paraîtront et l’entreprise est vite un échec commercial, au point que František jette vite l’éponge et laisse Vojtěch Černý seul dans l’aventure. Dès avril 1932, s’en est finit de cette première expérience de revue homosexuelle tchèque. Cependant, Hlas renaît avec une nouvelle équipe, sans Černý. Ce dernier s’enfonce dans les dettes contractées à droite et à gauche et revient à ses premiers amours de filouterie (et d’amours criminels ?). Une lueur d’espoir se fait tout de même sentir avec l’amnistie accordée par le président Masaryk, en 1935, qui allège son casier judiciaire, sans toutefois toucher au nerf de la guerre : la suppression de la pension militaire. Il bataillera jusqu’en 1938, sans succès.



 Le parcours de ce pionnier moderne de la sexualité masculine chez nos amis Slaves se termine le 17 avril 1938. Après une nouvelle arrestation, encore une fois à cause son inversion, Vojtěch Černý se suicide, utilisant sa chemise pour se pendre. Encore une fois, le destin de l’Homosexuel est tragique, se terminant par la Mort. Rendormez-vous, braves gens, le monstre n’est plus !

 

Il n’en demeura pas moins que Černý est le père officiel de cette affirmation homosexuelle tchèque et slovaque (et ruthène ?) à vivre libre et tranquille. Et cette histoire va continuer après son départ, puisque Hlas, sous différentes variations, va porter cette volonté jusqu’en 1938 où le créateur et la créature vont s’évanouir de conserve, avant la disparition, en octobre et pour sept longues années, de la Tchécoslovaquie.

 

Histoire triste qui rappelle tant de vies gâchées par des lois rigides et injustes, mais qui ont tout de même permis de révéler certains hommes de courage et de ténacité, avec leurs défauts ; des hommes qui aimaient d’autres hommes et voulaient mener une vie normale, au sein de la norme majoritaire hétérosexuelle. Comme à chaque fois, je me demande ce qu’ils auraient pensé de notre époque, riche de corps de Tchèques magnifiques mais lamentablement polluée de créatures troubles et troublées, des créatures hystériques qui ne comprennent pas qu’elles nous précipitent tout droit vers ce fameux passé sombre par leur folie et leur déconnexion du bon sens.

 

Allez, c’est le temps de se rincer l’œil avec des corps de circonstances !


Etienne Pauliac ©BelAmi


Giorgio Carrera ©BelAmi


Richard Hrosik ©LucasKazan

 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire